L’industrie du luxe peut-elle vraiment s’inscrire dans une démarche circulaire ? Peut-elle embrasser le marché de la seconde main sans détériorer son image de marque ?
Du côté du climat, il y a l’urgence. Le secteur de la mode est souvent pointé du doigt : c’est le troisième secteur le plus polluant au monde, après l’alimentation et l’énergie. À lui seul, il représente 20 % de la pollution industrielle de l’eau et 6 % des émissions de CO2 mondiales. L’industrie du luxe doit faire face également à la ratification et un accès plus difficile aux matières premières, comme le cuir.
Les attentes des consommateurs ont également changé : peu à peu, ils se détournent de la fast fashion et achètent davantage de produits de la seconde main. Et la demande en articles de luxe d’occasion est en forte croissance.
Le marché du luxe d’occasion progresse 4 fois plus vite que le marché traditionnel
En 2021, le marché du luxe d’occasion (les sacs à main, les vêtements, les bijoux et les montres) était estimé à 33 milliards d’euros (37,2 milliards de dollars), soit une augmentation de 65 % par rapport à 2017. Sur la même période, le marché du luxe de première main n’a progressé que de 12 %, soit 4 fois plus lentement.
Actuellement, 50 % du marché du luxe d’occasion est constitué de ventes de bijoux et d’accessoires. Sur ces 50 %, un tiers est identifié comme étant lié aux chaussures et aux sacs à main. On estime que d’ici 2025, un bon tiers du marché de l’horlogerie sera constitué de la seconde main.
Selon les études récentes, la mode d’occasion devrait dépasser la fast fashion d’ici 2030 — et il n’y a jamais eu autant de possibilités de vendre et d’acheter des vêtements et accessoires de luxe d’occasion.
La vente en ligne des articles de luxe progresse plus rapidement que les ventes traditionnelles. Les plateformes en ligne représentent 25 à 30 % du marché de luxe d’occasion. Selon les estimations, ce chiffre augmente de 30 % par an.
Toutefois, il existe des différences culturelles entre les différents marchés. Aux États-Unis et en France, l’achat de luxe d’occasion est perçu de manière très positive par les consommateurs. En revanche, dans la culture asiatique et notamment au Japon, les vêtements de seconde main sont traditionnellement considérés comme tabous en raison de leurs associations et de la stigmatisation sociale du port de vêtements d’occasion.
Toutefois, une augmentation récente de la demande en articles de luxe d’occasion remet en question cette notion.
Le nouveau profil du consommateur
L’attitude des consommateurs envers les produits de luxe a considérablement évolué, notamment avec l’arrivée des millenials ou des consommateurs conscients. Ainsi, la majorité des clients des produits de luxe d’occasion sont les jeunes générations : 54 % de la génération Z et 48 % des millenials.
L’état d’esprit du consommateur a radicalement changé : il n’y a plus d’aversion pour la seconde main ou pour les vêtements déjà portés. Ces achats ne sont plus connotés négativement, mais positivement en tant que moyen de contribuer à l’effort écologique. Ainsi, le shopping circulaire, en particulier dans le luxe, devrait se développer fortement dans les années à venir.
Les motivations d’achat des consommateurs du luxe d’occasion sont nombreuses :
- Pour 41 % de ces consommateurs, acheter des articles de luxe d’occasion, c’est de pouvoir trouver des pièces rares ou des éditions limitées qui ne sont plus disponibles à la vente en produits neufs.
- La durabilité : les consommateurs se montrent plus conscients et plus concernés par des problèmes environnementaux de l’industrie de la mode.
- Pour 35 % des consommateurs, acheter d’occasion c’est d’accéder à des produits d’une très grande qualité à un prix réduit.
- 25 % des consommateurs estiment qu’il est plus facile d’acheter des articles de luxe d’occasion que d’acheter ces produits en neuf. En effet, les plateformes de revente offrent une facilité de rendre disponibles et livrer les articles achetés en quelques jours, directement à domicile.
Ce changement dans les mentalités du consommateur s’est généralisé, même dans les pays réticents aux achats d’occasion, comme les pays asiatiques. Cette évolution peut être attribuée à une attitude anticonformiste naissante, associée à un désir de pratiquer une consommation responsable. La mode d’occasion favorise l’économie circulaire qui offre une alternative plus durable aux consommateurs qui souhaitent faire leurs achats en toute conscience.
Recréer une expérience de luxe
Le véritable défi pour les revendeurs est de pouvoir recréer une expérience aussi luxueuse que lors de l’achat d’articles neufs. En effet, jusqu’alors, de nombreuses plateformes de revente présentaient des produits de luxe parmi d’autres marques d’habillement et d’accessoires, y compris les articles de la fast fashion.
La clientèle habituée à l’achat des articles de luxe ne retrouvait donc pas l’expérience client de même qualité. C’est pourquoi d’autres pure players spécialisés sont apparus, comme Reluxe.
Le cœur de son modèle ? Faire de l’expérience de l’achat d’occasion un moment aussi haut de gamme que lors de l’achat des produits neufs. La volonté de sa fondatrice était donc de créer une plateforme de revente qui soit une expérience éditée, curatée et luxueuse. Cela passe par le choix de produits, mais aussi par le contenu éditorial soigné qui éduque et inspire ses clients.
La marque a fait appel aux stylistes, aux mannequins et aux designers pour créer cette expérience d’exception. Reluxe promet de faire vivre l’expérience de luxe aussi bien aux vendeurs qu’aux acheteurs. Ainsi, les vendeurs bénéficient d’un service de gants blancs où l’équipe de concierges les conseille sur leurs articles. Les pièces sélectionnées par la plateforme sont ensuite photographiées, authentifiées et évaluées par Reluxe, qui s’occupe également de l’ensemble de tout le processus de vente pour le client. Ce process rassure également les acheteurs qui pourront être sûrs de la qualité des pièces vendues. L’expérience soignée de A à Z, qui va jusqu’aux modalités de livraison, avec des emballages recyclés et les articles sont livrés via les vélos électriques.
En outre, le critère d’authentification des produits est déterminant pour l’achat des produits de luxe d’occasion et les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour une pièce d’occasion dont l’authenticité est garantie. Les acheteurs sont également attirés par la facilité d’utilisation et la variété des services supplémentaires proposés par les plateformes.
Le luxe rentre dans la boucle de l’économie circulaire
La nature durable et intemporelle des produits de luxe en fait un produit adapté au marché de la revente. L’économie circulaire est un autre moteur de la croissance de la revente de produits de luxe, alimentée, en partie, par les jeunes générations aisées et leur désir d’acheter de manière plus durable.
En effet, acheter d’occasion est devenu plus tendance et pour un grand nombre d’acheteurs c’est un acte militant en faveur de la planète.
La revente de produits de luxe a trois avantages majeurs :
- Elle empêche le gaspillage des matières premières ;
- Elle permet de remplacer le carbone qui serait nécessaire à la fabrication de nouveaux vêtements ;
- Elle permet aux consommateurs de faire des économies.
L’économie circulaire ouvre de nouvelles possibilités en termes de durabilité. Ainsi, les modèles circulaires favorisent la revente et la location de produits de luxe, prolongeant ainsi la durée de vie de ces produits, réduisant les déchets et diminuant l’empreinte écologique grâce au recyclage. La revente offre donc une solution clé à l’impact environnemental négatif de la surconsommation en remettant en circulation des vêtements et des accessoires qui, autrement, s’entasseraient dans les placards.
L’idée majeure dans le luxe circulaire est donc de permettre aux clients d’investir dans leur garde-robe tout au long de leur vie, grâce aux pièces intemporelles. Les modèles circulaires sont donc parfaitement adaptés au luxe en raison du style intemporel, des matériaux durables, des éditions limitées et des petites productions. Pouvoir acheter ces articles en ligne permet donc de contribuer à cette croissance en offrant un accès plus large, plus facile et plus pratique aux solutions de luxe durables.
Le nouveau mouvement est bien là et a suscité l’intérêt des investisseurs. Ainsi, Vestiaire Collective est devenue une licorne valorisée à plus d’un milliard de dollars grâce au dernier tour de financement mené par Kering. Les acteurs financiers de l’industrie de luxe ont bien compris les nouveaux enjeux. En mars 2021, le PDG de Kering, François-Henri Pinault a déclaré : « Le luxe d’occasion est désormais une tendance réelle et profondément ancrée, notamment chez les jeunes clients. Plutôt que de l’ignorer, notre souhait est de saisir cette opportunité pour améliorer la valeur que nous offrons à nos clients et influencer l’avenir de notre industrie vers des pratiques plus innovantes et plus durables. »
L’implication des marques de luxe dans le marché de la seconde main
L’implication des marques de luxe est encore timide et les marques phares n’ont pas encore tiré parti de l’essor du marché de la seconde main. En effet, les acteurs majeurs du luxe ont hésité pendant longtemps à encourager les modèles de la revente par crainte de cannibaliser les ventes de nouveaux produits et de diluer l’exclusivité et leur image de marque. Les marques ont intérêt à s’assurer que leurs produits haut de gamme sont toujours présentés de manière réfléchie, y compris sur le marché de l’occasion.
Toutefois, les consommateurs attendent que les marques de luxe s’impliquent davantage dans les modèles circulaires. Ainsi, 4 acheteurs sur 10 pensent que la participation active des marques augmentera la valeur de leurs articles d’occasion. En outre, les consommateurs sont sensibles aux efforts des acteurs du luxe dans la lutte contre le changement climatique. Les marques qui encouragent la revente de leurs articles s’inscrivent dans ce mouvement, en incitant leurs clients à consommer moins et cet argument séduit les acheteurs conscients.
Par ailleurs, l’implication des marques de luxe dans le marché de la seconde main rassure les consommateurs, en réduisant le risque de la contrefaçon.
Les premières initiatives de partenariats ont vu le jour à la fin de l’année 2021. Plusieurs marques de luxe se sont associées aux plateformes pour faciliter et pour donner de l’autorité à la revente de leurs produits. Balenciaga a noué un partenariat avec Reflaunt et Gucci et Burberry avec The RealReal. En février 2022, Vestiaire Collective a lancé son programme de rachat « Brand Approved » en partenariat avec Alexander McQueen. Ainsi, les pièces de la collection précédente peuvent être retournées aux boutiques Alexander McQueen participantes en échange d’un bon d’achat pour de nouvelles collections. Les pièces retournées au magasin sont ensuite revendues en ligne.
Même si ces partenariats ne sont pas encore très médiatisés, lorsque les consommateurs les découvrent, il réagissent de manière positive : la fidélité des clients et la désirabilité des marques semblent rester intactes.
Aujourd’hui, les marques de luxe sont face à un choix stratégique pour tirer profit de ce marché florissant : se lancer seules ou s’associer à une plateforme. Elles ne peuvent plus ignorer ce mouvement de fond et doivent prendre en compte le cycle de vie de leurs produits au-delà de la première vente.
Le luxe d’occasion est un secteur prometteur : l’intérêt des consommateurs crée de la croissance et les marques doivent prendre une décision rapide comment en faire partie. Le marché de l’occasion est une opportunité pour les marques de luxe de soutenir des objectifs durables à long terme.
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